Nouer pour dénouer

Dimanche 11 février 2018
Annick Simon (Psychologue)
Pour une Session de Bioéthique

« Nouer, pour dénouer »

Autrement dit : quelle relation nouer avec celui dont je m’approche ? Puis, comment celle-ci parviendra-t-elle à dénouer sa souffrance, pour l’enrichir d’un sens nouveau ?Quelle place donner à la relation dans le soin ?

Comment celle-ci peut-elle se faire soignante face à la souffrance (du corps, de l’âme, de la pensée), et surtout comment peut-elle favoriser que cette souffrance prenne un sens ?

Me voici un peu intimidée de me trouver parmi vous, parce que, en vérité, ce (ceux) que je connais le mieux, ce sont les bébés.
Mais, au fond, ça tombe plutôt bien, parce que bébé, nous l’avons été, vous et moi et, en dépit de notre éducation, de nos études, de nos choix de vie, ce bébé-là est resté au fond de chacun de nous. Et, tenez, c’est à lui que je vais m’adresser ce matin ; alors, s’il vous plait, aidez-le à remonter en vous. Rendez-lui sa juste place !

Pendant vingt ans, j’ai eu le privilège d’être celle qui venait accueillir les bébés d’un service de Néonat. Les bébés d’abord ; leurs parents ensuite.
Un soir, au fond du service, j’ai découvert un bébé qui pleurait en silence ; je crois que c’est une des scènes les plus douloureuses qu’il m’ait été donné de vivre au cours de ces années.

D’ordinaire, ce petit peuple hurle son chagrin, nous inonde de sa colère. Il lui paraît tout bonnement odieux, impensable que les adultes ne volent pas au secours des malheureuses victimes de leurs négligences coupables.
Ce jour-là, ce bébé-là, du fond de sa couveuse, ne bougeait pas, ne réclamait rien. Seulement, je voyais sa poitrine se soulever un peu plus fort que le rythme ordinaire, mais surtout, ce qui m’avait frappé, émue, bouleversée, c’étaient les grosses larmes qui roulaient sur ses joues.
Et, du coup, mes larmes à moi, m’étaient montées aux yeux.
J’étais allée chercher une infirmière ; j’avais questionné.
Et, la jeune-femme m’avait expliqué que Petit Paul avait 3 semaines ; il allait plutôt bien ; aussi, il arrivait que l’on puisse l’oublier un peu. La toilette, les soins n’étaient l’affaire que de quelques minutes pour lui. En fait, on ne le connaissait pas bien.
Je continuais de questionner. Et, c’est alors que l’infirmière s’est souvenue de n’avoir jamais vu les parents du bébé : « Ils habitent loin ; ils n’ont pas de voiture. Mais, la maman téléphone ; on lui dit que Paul va bien. »
Oui, sans doute. On le disait à la maman, mais, rien n’était dit au bébé et lui, en trois semaines de vie, avait déjà appris à ne rien attendre, rien espérer, et, du coup, à ne rien demander, non plus.
D’où ses larmes silencieuses, qui ne recherchaient aucune compassion.
Sa souffrance n’était pas accueillie, pas reçue. Et lui, avait déjà appris à ne demander ni aide, ni attention.

Dans ma rencontre avec eux, les bébés ont eu tôt fait de m’enseigner que, dès avant leur naissance, ils sont tous différents.
Dès l’origine, nos histoires ne sont pas les mêmes, bien sûr, mais, ce qui est extraordinaire à observer c’est combien chaque individu est vraiment particulier, unique.
Entrer en relation est un véritable travail qui va incomber aux uns et aux autres, côté soignant aussi bien que côté soigné. C’est vraiment ce qui me paraît essentiel : pour qu’il y ait rencontre, encore faut-il que chacun se soit avancé en direction de l’autre.

Mais, avant de réfléchir à ce chemin-là, je vais vous proposer une promenade en compagnie de mon ami le Petit Robert.

  • Lorsque je lui demande l’origine du mot « Relation », il me répond qu’il vient du latin « Relatio » : « Récit », « Narration ».

Il a donné naissance aussi à cet autre mot « Liaison » dans lequel nous retrouvons la notion de « Lien ».
Pour moi, je retiendrai que la relation nous entraîne du côté d’un récit, d’une narration à plusieurs. Et pourquoi pas un dialogue ?
Ah ! Voilà qui me plait vraiment !

  • Le « Soin », vient de « sonium » : le « souci ». Soigner, c’est donc, avant tout, avoir le souci de l’autre.

Cet autre est souvent le « patient », de « patientia », celui qui souffre, oui, mais encore, il est celui qui se trouve en souffrance, en attente de notre attention.

  • La « Souffrance », pour finir, nous renvoie donc à l’attente, … mais pas seulement !

« Souffrir », de « sufferire », c’est aussi « porter », « présenter », « offrir ».
Présenter, offrir sa souffrance ? Ce n’est pas ce à quoi nous pensons spontanément, nous qui avons vieilli ; et petit Paul, quant à lui, à trois semaines de vie, il avait déjà renoncé à offrir ce que personne, d’ailleurs, n’attendait !

La Relation

De l’art de nouer une relation.
Que faudrait-il faire ? Ne pas faire ? Ma foi, je n’en sais rien, si ce n’est que c’est un peu comme la mayonnaise : ça prend ou ça ne prend pas.
Mes amis les bébés m’ont appris qu’il faut beaucoup de patience et de doigté pour les rencontrer. Un ton de voix trop fort, un geste trop vif … et ils se mettent à hurler ou se renferment comme de véritables petites huîtres.
Nous autres adultes, ne sommes pas si différents de ce (ceux) que nous avons été, si ce n’est que la vie nous a appris à ne pas manifester aussi ouvertement nos craintes et nos répulsions.
Alors, en apparence, nous sommes prêts à la rencontre ; mais, en vérité, au fond de nous, c’est déjà fermé, verrouillé. Il n’y aura pas d’échange possible. Juste une façade de « bienséance ».

Nouer une relation, ce n’est, en fait, pas très différent de nouer le lacet de notre chaussure.
Si, si, vous allez voir !
Pour que « ça tienne », il vaut mieux que les deux bouts du lien soient faits dans le même matériau.

Ensuite, vient l’art de faire se rencontrer, puis de croiser, entrelacer les deux parties du lacet jusqu’à les nouer solidement. On ne peut pas dire qu’un côté soit plus important que l’autre.
Entrer en relation est un travail tout à fait comparable : rapprocher deux individus, les faire se rencontrer, se lier et nouer la relation. Vous voyez ?

Revenons auprès de la couveuse du petit Paul, ou d’un autre.
« Chat échaudé craint l’eau froide » dit-on et les bébés de Néonat ont tellement l’habitude de souffrir lorsque des mains viennent à plonger dans leur boîte de plexiglas que – petits futés – ils ont pris l’habitude de faire semblant de dormir lorsque l’on s’approche d’eux.
Bref, ils font « le mort ».
Alors, moi, je me plantais au bord de la couveuse, mais à une distance un peu supérieure à la longueur de mon bras.
Et là, comme le pêcheur au bord de la rivière, j’attendais.
J’attendais que « ça morde », en ce sens que le bébé, étonné de ne rien voir venir, de ne sentir aucun contact physique, ouvrait un oeil, … cherchait un regard.
En fait, il s’agissait, pour moi, de le rendre acteur de la rencontre ; le premier pas, je l’incitais à le faire.
Alors, à ce moment là, je « ferrais ». Mon rire, quelques mots joyeux : « Coucou ! Tu m’as trouvée ! … Bonjour, toi ! Comment vas-tu aujourd’hui ? »
Petite partie de ping-pong : je t’envoie des mots, tu me donnes ton regard et puis tes gestes qui se déroulent. On recommence, on continue … Le lien se tisse entre nous.
Les gestes pour toucher, pour soigner, ou même caresser, je les laissais à ceux qui prennent soin des corps : les infirmières, les médecins.
La rencontre ne durait jamais très longtemps et le bébé ne tardait pas à montrer des signes de fatigue. Ses paupières devenaient lourdes. Il refermait les yeux.
Important de respecter son rythme, de me plier à ce qui lui convenait, de le laisser être acteur de ce moment unique.
Un mot d’au revoir, et je reculais, le laissant au souvenir de notre rencontre.

En vérité, les bébés nous le montrent bien : nous aimons tous être acteurs de nos vies ; nous avons besoin de montrer quel rythme nous convient. Ainsi, prenant en main leur entrée dans la relation, ils nous enseignent, à nous qui voudrions leur venir en aide, l’humilité, « humus », ce terreau de nos vies d’humains.

Mais, je crois que ce n’est pas encore suffisant.
Si je viens à la rencontre de mon prochain avec tout un chapelet de bonnes intentions (Nous le savons tous : l’Enfer est pavé de bonnes intentions !) alors, je pourrai « vouloir son bien » ; vouloir le soulager ; vouloir le faire parler à propos de ce qu’il cache pudiquement …, bref, si je viens en spécialiste (de la relation, par exemple, ou encore du soin …), hop ! L’huître va se refermer. Rien à voir. Circulez !
Si je veux que cet autre vienne à ma rencontre … peut-être faut-il que je ne brandisse pas, au devant de moi, ma science, mon savoir, ou même seulement mon envie de « faire du bien » ?
Non, il faut savoir se mettre en creux ; devenir comme un ventre maternel, celui qui accueille et favorise le développement de cet autre en devenir.
Juste un chemin de pauvreté, juste la grande liberté de n’être que soi, tout simplement soi, pour que l’autre puisse s’autoriser à être lui.
« Etre soi », ce n’est pas rien !

Nous possédons tous un talent particulier et le négliger ou ne pas vouloir le reconnaître, ce serait comme cracher dans la soupe, refuser la confiture aux petits cochons, sous prétexte qu’ils ne sont que des petits cochons !
Si l’un de vous a le don de la parole, qu’il n’en prive surtout pas celui qu’il va rencontrer !
Si un autre a celui du geste, du sourire ou du regard éloquents, qu’il les offre sans retenue à ceux avec lesquels il entrera en relation !
C’est par le biais de cette rencontre que, dans notre regard, notre interlocuteur se découvrira « aimable ».
Vous savez, Winnicott l’a dit : « Le premier miroir de l’enfant, ce sont les yeux de sa mère »
Que va-t-il lire dans ce regard ? Peut-être juste qu’il n’est ni beau, ni gentil, et qu’il n’est pas celui qui a été désiré.
Mais, le plus souvent, je veux croire, que nous avons déchiffré que nous étions « aimables », dignes d’être aimés.
Si celui à la rencontre duquel je vais, décode dans mon regard que je suis « le spécialiste », que je sais ce dont il souffre et que je suis bien décidé à le faire parler … Alors ?
Rien de rien ! Clap final. Je n’en saurai pas davantage.
Mais si, comme petit Paul dans sa couveuse, il a été laissé libre de faire le premier pas, et s’il trouve un regard, une attention pour l’accueillir, croyez-moi, il va s’y lover !
Et, ce ne sera pas prémédité, mais, comme le chat qui ronronne pelotonné sur son coussin, l’autre, sans l’avoir préparé, commencera à parler. Vraiment.

« Attente » et « Attention » nous parlent de la même chose. Il s’agit de « tendre vers ».
Dans la relation qui va se nouer, … comme pour les lacets de nos chaussures, il est bien question de cela : « Tendre vers l’autre », tendre et attendre d’être saisi. C’est comme une danse, comme un ballet bien orchestré ; il n’y a pas de premier ou de second rôle. Chacun a la responsabilité d’occuper et puis de tenir sa place.

Le Soin

Les bébés que nous sommes le savent tous : il n’est pas de soin sans relation.
Je me souviens de certains « coquinous » refusant le biberon donné par telle infirmière, parce qu’ils ne voulaient boire qu’avec telle autre. Elles le savaient si bien, toutes, qu’elles se disaient les unes aux autres : « Je te laisse donner le biberon à Noémie … elle préfère avec toi ! »
D’autres ne buvaient que quelques gouttes de lait, histoire de ne plus ressentir la faim et se réservaient pour le moment où leur maman arriverait. Là encore, petits futés, ils savaient très bien anticiper l’heure précise de la visite !
Et souvenez-vous encore, lorsque, quelques années plus tard, nous sommes allés à l’école, nous avons appris à lire parce que nous aimions notre maîtresse …ou nous avons eu beaucoup de mal parce que nous ne nous sentions pas aimés.

Lorsque je dis qu’il n’y a pas de soin sans relation, c’est presque une lapalissade.
Puisque nous sommes en présence d’un autre, il y aura forcément relation. Mais celle-ci peut-être bonne, mauvaise, nulle ou même juste fade, ce qui n’est guère différent !
Le « bon » médecin, c’est aussi celui que nous aimons et qui nous aime. Celui-là nous soignera, nous soignera toujours bien, même s’il échoue parfois à nous guérir.
Un des psychanalystes qui m’a le plus appris (le Dr James GAMMILL) avait l’habitude de dire : « Il n’y a que l’amour qui guérit ! Ne le répétez pas, ça pourrait être mal compris ! » 

Pour moi, je le répète, j’en suis persuadée et j’en ai fait l’expérience : ceux de mes petits patients qui ont pu tirer bénéfice de notre travail de thérapie, savaient bien que je les aimais. Inutile de le leur dire ; cela se « sent » !
Et, ce qui n’est pas moins important, ils étaient tout à fait conscients de l’alliance qui s’était construite entre leurs parents et la « Dame » chez qui ils venaient jouer.

A présent, et toujours à propos d’enfant, je vous invite à demander à celui qui vit en vous, d’aller jouer un moment ailleurs, et de nous laisser entre adultes.
(Le bébé, en nous, est important, sans doute, mais nous ne devons pas, non plus, lui céder toute la place !)
Nous voici, cette fois dans la position du soignant.
Soignant du corps, des pensées ou de l’âme, peu importe notre place, puisque nous avons le même souci de la vie (physique, psychique ou morale) de notre prochain.
Et la question se pose de savoir comment lui venir en aide, sans lui nuire (voir le serment d’Hippocrate !)
Notre place n’est pas celle d’un familier.
Bien sûr, nous en prendrons une dans la relation avec celui qui souffre, mais nous n’exigerons rien en échange, aucune reconnaissance. Le professionnel du soin peut demander un salaire, de l’argent ; de cette façon, les voilà « quittes » et le patient ne se trouvera pas en dette.
Mais, le plus important, c’est que nous avons la responsabilité de dispenser un soin.
Si quelqu’un arrive aux Urgences de l’Hôpital avec une main à demi arrachée, le médecin urgentiste ne va pas le prendre dans ses bras, le consoler, lui dire qu’il a, dans aucun doute, horriblement mal … et que, en plus, il doit avoir peur de perdre sa main, main droite qui plus est … lui qui est certainement droitier …
Eh bien voilà, même lorsque nous ressentons de la compassion pour notre patient, il me semble que nous avons la responsabilité de rester à notre place de soignant. Ceci n’interdit nullement d’offrir un regard, un sourire, de poser une main sur une main, sur une épaule.
Il nous faut juste nous montrer attentifs à ne pas exprimer ces marques d’attention pour notre seul plaisir, dans le but de « faire bien », mais seulement parce que nous ressentons que c’est cela dont celui-là a besoin, à ce moment-là.
Je me rappelle de ces moments si douloureux pour nous tous, lorsqu’un bébé venait à mourir dans le Service. Certaines fois, une infirmière venait me trouver : « Tu sais, je n’ai pas été professionnelle ; j’ai pleuré, et la maman a vu mes yeux rougis ».
Or, chaque fois, par la suite, les parents me disaient : « Il y avait une infirmière qui avait pleuré. C’est à ce moment que j’ai réalisé que ce n’était pas un cauchemar, mais bien la réalité »
Nous pouvons prendre part à la peine de l’autre, mais, si nous cherchions à l’en soulager, je crois bien que nous l’en amputerions. Il ne lui resterait plus rien, alors.

La Souffrance.

La voilà donc cette souffrance. Et, ne me dites pas qu’elle est belle, bonne ou utile.
Non ! Rien ! Un mal de dents (un mal « dedans » ?), une migraine, un cor au pied et voilà que nous sommes isolés. Loin de tous. Noyés sous la rage de dents, sous le lumbago.
Noyés … et inaccessibles aux secours qui voudraient s’organiser. « Laissez-moi ! », « Ne me touchez pas ! »
Qu’on ne vienne pas me dire qu’on connaît, qu’on a connu : ça ne changera rien à ma douleur.
Celui qui souffre est seul au monde ; seul avec sa douleur … au point qu’elle devient parfois sa seule richesse.
Nous sommes loin de réagir tous de la même façon, face à une souffrance physique ou morale.
Certains vont avoir besoin de diluer ce qui les fait souffrir en lançant leur plainte aux quatre vents et à tout un chacun.
D’autres vont s’enfermer avec leur chagrin … et nous entendons bien alors, que nous ne sommes pas dignes de partager ce qui les fait souffrir !
A la mort d’un être cher, ce qui nous reste de lui, d’abord, c’est notre peine : nous avons mal « à l’absence de l’être aimé ».
Du coup, elle n’est pas facile à créer cette place de celui qui voudrait se montrer attentif à la personne en souffrance !
Comment venir « près » prévenant » : celui qui vient « auprès de » cet autre qui souffre), sans être intrusif ?
Comment aurions-nous la prétention de nous vouloir détenteur, ou dépositaire, d’une souffrance qui ne nous appartient pas ?
Que doit-on dire ? Ne pas dire ? Où trouver les mots ? Et faut-il nécessairement en trouver ?
Ésope nous l’a rappelé : la langue peut être la meilleure ou la pire des choses !

Et si, une fois encore, il s’agissait avant tout de se mettre en creux ? Etre comme ce ventre maternel fait pour accueillir et laisser grandir ce qui a été déposé en lui ?
Je crois que c’est la façon particulière que nous aurons, les uns et les autres, de nous rendre accueillants, qui va permettre à celui qui est en souffrance, de venir porter, puis présenter et enfin offrir (Souvenez-vous : « Sufferire » !) l’objet de sa douleur.
Alors, (et c’est ce que nous expérimentons au fil des thérapies), celui qui dépose sa souffrance dans notre giron, pourra la voir, avec ce recul qui permettront à ses paroles de naître, puis de devenir un récit. Et, si le récit parvient à nous relier, nous entrerons dans le temps du dialogue.
D’ « innommable », la souffrance sera devenue « nommable ».
Les mots partagés pour la décrire vont lui permettre d’être « reconnue », reconnue, comme l’est un l’enfant à l’Etat civil.
La souffrance restera. Il n’est pas question d’en priver qui que ce soit. Mais, partagée, elle peut trouver une place dans nos pensées, dans notre vie.

La souffrance n’est jamais souhaitable, jamais utile. Toutefois, il arrive qu’à son décours, notre vie bascule vers quelque chose que nous n’avions pas imaginé.
Et si c’était cela le « sens » que peut nous apporter la souffrance ?
Donner un sens nouveau, une orientation nouvelle à notre vie ?
Rien ne sera jamais plus comme « avant ».

La place de celui qui vient au devant de cette personne en souffrance, est une place de renoncements.
Celui-là, doit accepter de ne pas savoir … et pourtant se retenir de questionner. Il doit se contenter de la place qui lui est assignée, même (et surtout !) si c’est une place « de rien ».

A son égal, celui qui souffre, ne trouve assurément plus aucune place qui lui convienne !
Alors, merci à lui, si nous accueillons en nous cette part de son désespoir, sa certitude que la vie ne vaut plus rien.
Loin de l’aider à changer d’avis, nos questions, nos conseils risqueraient seulement de le faire taire.

Alors ? Que pouvons-nous donc « faire » ?

Pas grand chose, ma foi, si ce n’est « être là ».
Accompagner de notre présence, de notre attention et, peut-être de quelques mots, s’ils font partie de notre « talent »
Seul notre accueil respectueux et bienveillant de ce que vit cet « Autre », pourra l’aider à reprendre sa marche, ou à l’interrompre. Cela adviendra ; peut être. Peut-être un jour ; son jour …
C’est son chemin à lui. A lui seul.
De cela, essayons de ne pas le priver !

Un mot encore, avant que nous nous quittions.
Mon infinie gratitude à tous ceux, patients, proches et professionnels qui ont semé mon parcours de petits cailloux blancs, mes solides repères.
Merci à Wilfried Bion dont je voudrais encore partager avec vous cet enseignement essentiel :
Que chaque rencontre soit comme si elle devait être unique.
Faire « Tabula rasa » de tout ce que nous savons, croyons.
Face à l’autre, sachons, nous montrer :

  • Sans Mémoire (mais pas sans souvenir).
  • Sans Jugement (mais pas sans jugeote)
  • Sans désir (pour laisser advenir le sien)

 

Commentaire (3)

  • Brigitte Saintamand| 28 juin 2018

    Ci-joint le très beau texte d’Annick Simon (la psychologue qui a écrit « la psy qui murmurait à l’oreille des bébés » et qui nous a donné l’autorisation de communiquer son article). Un grand merci à elle.

    • Anne| 11 juillet 2018

      Quelles grandeur et beauté ! Ce langage si limpide nourrit d’Amour est un pur enrichissement !
      Merci pour ce partage !!

      • Brigitte| 13 juillet 2018

        Merci Anne pour votre chaleureux commentaire !
        Nous sommes heureux d’avoir pu grâce à Annick Simon partager ce beau texte.

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